Les plus anciennes représentation de chevaux que l’on connaisse sont les gravures préhistoriques. Les silhouettes trapues qui courent sur les parois de Lascaux ou d’Altamira sont à la fois remarquablement stylisées, simplifiées, essentialisées même, et suffisamment précises pour qu’on puisse y reconnaître les ancêtres des petits chevaux de Przewalski, petits chevaux sauvages qu’on trouve encore en Mongolie et qui, via l’élevage, reviennent même en France.
De la représentation magique à la représentation du pouvoir
Les peintures rupestres préhistoriques
Il est bien entendu impossible de savoir avec exactitude ce qu’il y avait derrière les représentations pariétales, et la reconstruction que nous faisons aujourd’hui des motifs des artistes préhistoriques est imprégnée de notre représentation du monde. Ceci dit, il s’agissait sans doute de rituels préparant la chasse, la possession de l’animal via les empreintes de mains. Car Lascaux est largement antérieure aux premiers apprivoisements du cheval (vers -8.000) et encore plus à la première domestication (-3.500).
Le cheval est un animal de prestige, il sert les guerriers
C’est peut-être en Égypte que ce fait ce glissement : les égyptiens connaissaient le cheval, les chars attelés sont abondamment représentés, le char du pharaon est un insigne de son pouvoir. Mais il n’y a pas de “Dieu Cheval” en Égypte. Les couples de chevaux du pharaon sont assimilés à Amon (le dieu bélier) et à la déesse Anat, (parfois représentée sous forme de vache), qui vient de la Mésopotamie, comme le cheval.
Dans le monde antique, le cheval est rarement un animal de travail : c’est réservé aux mules et mulets, aux ovins, le cheval est trop précieux. Il sert à transporter l’homme, rapidement, à faire la course, à chasser et à se battre.
Cheval de roi et de seigneur
Que ce soit sous la forme de statuettes ou de peinture, le cheval accompagne donc les grands de ce monde. Des tombes hittites aux tombeaux des empereurs chinois, les statuettes représentant les chevaux accompagnent les défunts. La fameuse “armée de terre cuite” de l’empereur Qin Shi Huang comprend des milliers de soldats et de chevaux représentés avec soin, chaque poterie est unique. Les statues sont à l’échelle 1:1 pour plus de fidélité, le char de l’empereur, qu’on voit ici, est criant de réalisme !
De la recherche d’exactitude au cinéma
Car, pendant très longtemps, le tableau de cheval va rechercher l’exactitude la plus fidèle, dans la pose, dans l’anatomie et dans tous les détails. Le métier de “peintre de cheval” naîtra même plus tard. Des tableaux comme la bataille de San Romano, par Ucello, sont le pendant pictural, à la Renaissance, des chevaux de l’empereur Quin, avec une multitude de cavaliers qui s’affrontent.
Cheval au repos et cheval en mouvement
Néanmoins, dans ce tableau, les postures des chevaux sont peu dynamiques et peinent à rendre le mouvement et la cacophonie d’une bataille. Les chevaux, même lorsqu’ils se cabrent ou ruent, semble posés, comme figés (un peu comme les humains d’ailleurs). C’est que le mouvement réel du cheval au trot ou au galop est mal perçu.
Pendant longtemps, le cheval de prestige sera au repos, ou dans une position classique, légèrement cabré. On l’anime avec du vent, comme dans la superbe crinière du tableau de David montrant Napoléon franchissant le Col du Grand Saint Bernard, dont je ne me lasse pas, et qui mériterait un article à lui seul, mais les postérieurs restent solidement ancrés au sol.
Les courses et le galop
C’est Géricault le premier qui ose représenter un cheval “hors sol” au galop, les quatre fers en l’air, avec le Derby d’Epsom. Il ouvre une brèche où s’engouffrent de nombreux contemporains, dont la dynastie des Vernet, particulièrement Carle et Horace, qui montre bien l’évolution de ce genre de peinture en quelques décennies. La course de chevaux est devenu un genre à part entière.
La polémique nait sur le galop du cheval : un français, Étienne-Jules Marey, prétend que le cheval n’a jamais les quatre pieds hors sol comme l’a représenté Géricault. Nous le savons maintenant, il a raison (le cheval est bien hors sol à un moment, mais pas dans cette position étendue). Et nous le savons grâce à un anglais, Eadweard Muybridge, qui fait galoper un cheval devant une batterie d’appareils photographiques qui vont arriver à décomposer le mouvement. Son “zoopraxiscope” est un des ancêtres du cinéma.
Le “Cheval Bleu” et la peinture moderne
La photographie et le cinéma ont délivré la peinture de son obligation d’exactitude. La peinture de cheval, comme tout le reste, entre dans le monde de l’art moderne. Les peintres du monde paysan puis les impressionnistes mettent en valeur les lourds chevaux de travail, tandis que d’autres vont peu à peu “déstructurer” le cheval. Ainsi les peintures de Franz Marc montrent d’abord des chevaux “bleus” qui, à part la couleur, sont finalement très proches de la réalité, puis glissent peu à peu dans l’abstrait.
Picasso aussi débarrasse le cheval de l’essentiel, le réduisant à quelques traits , mais c’est avec Mirò et sa série des différents “Cheval de Cirque” que la représentation de l’animal devient totalement abstraite.
Aujourd’hui, la diversité des représentations picturales de cheval inclut des peintures de tout style, mais aussi des photographes qui feront l’objet d’un prochain article !