Une amie m’a raconté l’histoire de Monsieur Mardi, une histoire émouvante qui a l’avantage d’être vraie. L’amie en question entraîne des chevaux pour le barrel, mais elle prend des fois des chevaux où le proprio ne sait plus quoi faire. C’était le cas de Monsieur Mardi.
Voici l’histoire :
J’étais assise tranquillement sur ma terrasse, quand ils sont arrivés. C’était un mardi, le soleil au rendez-vous, le petit paddock pour le nouvel arrivant était préparé. Après les présentations habituelles, j’ouvre le van et je vois un petit cheval aux alentours de 150 cm au garrot, alezan deux pieds blancs. Il est sorti sans hésitation et le proprio l’a mis dans le paddock. Une fois dedans, le cheval se tourne et me regarde et là, j’ai cru ne pas bien voir, le cheval pleurait. Les larmes coulent, le regard vide, je n’ai jamais vu ça. Ma première réaction était simple, je me suis retournée vers le proprio pour lui dire « si c’est vous à l’origine de ses larmes, pas la peine d’attendre que je fasse quoi que ce soit, vous pouvez l’emmener sur le champ. Parce que dans ma tête il était clair que, si l’état du cheval était provoqué par son proprio, je ne me donnerais pas la peine de le mettre en état normal pour qu’il soit ensuite de retour aux enfers. » Alors je demande gentiment de me raconter un peu plus, les questions habituelles – depuis quand il a le cheval, acheté où, qu’est-ce qu’il veut faire avec. Il répond très franchement à mes questions et il est clair que ce n’est pas lui le responsable. D’après lui le cheval ne sait rien faire, par contre il n’a jamais cessé de pleurer depuis son arrivée chez lui, le courant ne passe pas, bref il ne sait plus comment faire pour que le cheval devienne « normal » .
Prenez tout le temps qu’il vous faut, il me dit avant de partir.
Franchement j’étais sans mots. Je lui ai donné le nom de Monsieur Mardi, d’après le jour de son arrivée, j’avais même oublié de me renseigner sur son vrai nom. Que faire? Comment commencer? Je n’en avais aucune idée. J’ai décidé de le laisser en paix pour s’habituer, mais entre nous c’était plutôt parce que je ne savais pas quoi faire. Une nuit de sommeil va m’aider à fixer un planning. Au milieu de la nuit je me réveille, le problème bien encerclé « le cheval ne veut pas rester dans cet état, alors avant tout il faut l’aider à sortir de son trou et arrêter de pleurer (je vois toujours les larmes, même en y pensant aujourd’hui). Mon boulot doit être de réveiller le petit cheval dans son intérieur, pour remplir la carcasse de poils qui s’est bâtie autour de lui avec de la vie et de la confiance en lui. Montrer que la vie est belle, qu’il peut à nouveau faire confiance aux humains sans se faire mal. Voilà, je me sentais bien, une fois la direction trouvée, le but était clair. Pendant plus de trois semaines, tous les jours je suis allée dans son paddock, mis son licol et ensuite dans le round-pen. Une fois dedans j’ai oublié tout ce que j’avais appris de horsemanship avant et mon savoir sur les chevaux pour rester le plus neutre sans émotions. Je commençais à découvrir comment communiquer avec un cheval maltraité.
Il n’y avait que trois points importants :
1 = ce que je fais
2 = ce qu’il fait
3 = ma réaction sur ses actions
c’est tout. Trois points seulement.
La séance était pratiquement toujours 1,1,1,1,1,1,1,1,1,1,1,1,2,3, tellement différente de mes expériences, mais il était important de lui laisser tout le temps pour comprendre sans faire peur. Notre travail était comme ça tous les jours plusieurs fois. Monsieur Mardi en larmes et moi en attente de voir qu’il s’ouvre un peu pour lui dire merci et montrer que ça vaut le coup d’essayer. Essayer…. la seule chose que je pouvais faire ; il avait oublié que le plaisir existe aussi pour les chevaux. Des fois je me sentais comme quelqu’un qui essaie d’allumer un feu avec du bois mouillé.
Au fait c’est ce que j’ai fait tous les jours, allumer, allumer, souffler, souffler doucement pour ne surtout pas rater de voir ce petit peu de fumée sortir….. Je savais que si je soufflais trop fort le feu mourrait, mais si j’arrêtais de souffler il serait impossible de le rallumer.
Monsieur Mardi m’a fait penser aux totems des indiens des États-Unis, jour par jour il était là, sans montrer de réaction, avec son regard vide, sur un horizon si loin, les larmes qui coulent et moi devant, toujours en attente du moindre geste ou réaction pour faire des grandes caresses et dire merci.
Les jours passent, les semaines, et les résultats n’étaient pas vraiment là, il n’avait pas changé, ses larmes coulaient, comme le temps, son esprit était partout sauf avec moi, des fois c’est dur de continuer à croire encore à un changement. Un matin j’y vais pour prendre un autre cheval, licol en main et là, que vois-je? Monsieur Mardi passe sa tête au-dessus des barreaux comme s’il voulait dire… » t’en as mis du temps aujourd’hui ! ». Les yeux doux, pas de larmes qui coulent il me regarde et je suis sûre qu’il avait compris pourquoi c’était moi en larmes cette fois.
J’oubliais que je voulais travailler un autre cheval pour suivre mon instinct. J’ai passé le licol, ai-je senti qu’il baissait la tête un peu? Je l’emmène pour passer la brosse et sans grande hésitation je le selle, il est tout relax, un pied en repos, il me regarde avec ses jolis yeux sans larmes. Je ne peux pas exprimer ce que j’ai senti à ce moment-là, c’était comme une vague de bonheur qui m’envahissait et pour la première fois j’avais peur de ne pas être à la hauteur des événements. Je me hisse en selle et nous partons comme un vieux couple. Il me fait totalement confiance, je le sens qu’il me donne son coeur et je lui donne le mien, Monsieur Mardi a repris goût à la vie, sans l’utilisation d’une méthode, ni d’outil spécial éthologique, la patience et l’amour ont encore une fois fait des miracles sur un cas hors du commun. Patience et amour
Voilà l’histoire de Monsieur Mardi, je remercie Terrie d’avoir partagé cette expérience formidable avec nous.
Superbe histoire. C’est exactement l’histoire de mon nouveau cheval. Comment peut-on détruire moralement à ce point des chevaux. Les humains pourraient tellement apprendre d’eux s’ils ne les regardaient pas du haut de leur supériorité supposée !
Mon poney est en pleurs ce jour … j’avais l’impression que ses pleurs avait cessés lorsque don ami était là et !e rappelle qu’il pleurait lorsqu’il était seul ! … moi à qui il laissait l’image d’un dur qui préfère être seul !!! ….. je ne sais s’il pleure pour le départ de son ami que la propriétaire à déplacé, ou s’il pleure parce qu’il sent que je veux mettre fin à ses jours (il est malade et je ne peux plus assumer les frais !?) … je ne sais au juste … mais en me référant à l’an passé, il pleurait en étant seul. …. Je vais déjà lu faire sentir que je ne l’euthanasierais pas, tant pis pour moi, je me saignerai financièrement jusqu’à plus pouvoir du tout.
Bonjour, je vous remercie pour ce témoignage poignant à propos de Monsieur Mardi. Serait-il possible d’avoir les coordonnées de Terrie pour en savoir plus sur sa pratique de rééducation ? je suis étudiante et rédige un mémoire sur les chevaux traumatisés et le chemin vers la guérison.
Très cordialemement,
HM
oui c’est vrai ! j’ai mis ma jument à la retraite , tout près de chez moi, quand je lui ai dis au revoir une larme a coulé ! quand je vais la voir ,on fait des câlins à n’en plus finir et souvent une larme coule !
pour t’assurer, je suis sur qu’il y a pas mal de monde qui te croit…
l’amour profonde entre les chevaux et les humains existe, j’en suis sur et ton histoire le prouve.
merci de nous avoir fait partager ce moment vécu.
dommage que les chevaux ne peuvent pas parler avec des mots humains ……….
Bonjour
j’ai 52 ans et j’ai eu un cheval, acheté pour ma fille l’été 2000. De merveilleux moments vécu ensemble ma fille et lui. Elle adorait le dressage, je passais 6 jours par semaine a lui faire répéter ses reprises, à promener, à jouer dans la piste fermée le soir. Il était d’une grande gentillesse. Alezan, 1,60m une botte blanche à l’arrière droit, un croissant de lune sur le front, un peu “brassicour”…je le “longeais” à la voix sans longe en réalité. Il se couchait à la demande…
En 2004, on doit s’en séparer pour des raisons familliales graves. On le revend à une personne qu’on connait bien, il est bien soigné et ma fille peut le monter encore de temps en temps. Ensuite je le perd de vue jusqu’à ce lundi 11 avril. Je promène dans la région de Namur (je vis à Liège) et je me rends dans son ancien manège connu. On m’annonce qu’il est en retraite dans un pré depuis un an. Je retrouve le pré dans lequel se trouvent une dizaine de chevaux. Je gare ma moto le long de la route, je pense le reconnaitre immédiatement parmi un groupe de 6 chevaux (je ne l’ai plus vu depuis 7 ans) et je l’appelle…pas de réaction. je siffle et je l’appelle en criant plus fort, tout à coup, il réagit et sort du groupe en courant vers moi. Il me reconnait et refait les mêmes gestes qu’autrefois lorsque j’arrivait au manège. Il me fais des bises sur le visage et je le caresse là où il aimait beaucoup (aux commissures des lèvres). Je lui ai parlé près d’une demie heure doucement. Des bons moments ensembles. Tout à coup, j’ai constaté des larmes claires coulant le long de ses joues… j’étais très ému et j’ai pleuré avec lui… Ensuite il s’est couché tristement devant moi sans le lui demander, sans raison… je ne comprenais plus rien… je lui ai dit au revoir et suis revenu vers la moto, il s’est relevé péniblement puis m’a suivi et durant tout le temps qu’il m’a fallu pour remettre mon casque… il m’a regardé en pleurant… je lui ai fait un signe et suis parti. J’en pleure encore car je ne sais pas ce qu’il a voulu me dire. Il a plus de 22 ans maintenant et je ne pourrai jamais l’oublier….